L’agronome français Hervé Coves a rencontré des agriculteurs et des conseillers agricoles à Mont-st-Guibert (Corbais) pour parler des mycorhizes.
Nous vous en parlions dans nos lignes le 18 février 2019, alors que le plus gros projet agroforestier du Brabant wallon voyait le jour : 140 arbres et 1800 arbustes en plein milieu d’un champ de 12 hectares venaient d’être plantés sur la ferme Henricot à Corbais.
Claude Henricot se souvient : « à l’époque j’avais cette envie de planter des arbres pour profiter de leur mémoire face à la protection contre les maladies, mais c’était un cap difficile à passer pour un fermier. Puis j’ai écouté un podcast de Hervé Covès qui a mis des mots scientifiques, compréhensibles et logiques sur mon intuition. C’est grâce à lui que j’ai passé le cap de planter des arbres au milieu de mes champs. »

Hervé Coves, 60 ans, est spécialiste des mycorhizes. Une vingtaine d’années de recherche lui permettent aujourd’hui d’évangéliser les fermes sur ce vaste sujet avec beaucoup de cœur et d’humilité.
Les mycorhizes sont des champignons invisibles à l’œil nu, vivant en symbiose avec les racines de certains arbres et plantes. Elles fournissent des services aux végétaux qui en échange lui procurent du sucre via la sève élaborée. Ces services sont très larges : nutrition minérale, prévention des maladies, réserve en eau.
Hervé Covès, en séjour en Belgique pour une semaine, apportait de bonnes nouvelles. Après 2040 nous aurons dépassé le pic de production du phosphore, engrais nécessaire pour nos champs. L’utilisation des quantités restantes dans les mines (du Maroc principalement) sera arbitrée et probablement réservée aux utilisations industrielles. La bonne nouvelle, c’est que nos sols en contiennent en quantité suffisante, mais sous une forme de phosphore qui n’est pas assimilable par les plantes. Sauf si elles s’allient avec les mycorhizes. C’est ce que Claude Henricot a expérimenté depuis 25 ans : Il n’a plus épandu de phosphore. Il ne s’agissait pas de prendre une mesure unique mais de mettre en place tout un système : abandonner sa charrue, maximiser les couverts végétaux, apporter de la matière organique, ré-introduire l’arbre autour et dans les parcelles.
Les mycorhizes ne travaillent pas gratuitement. Elles ont besoin de sève fournie par les plantes qui les hébergent. D’où l’importance des couverts végétaux pour les nourrir et éviter d’impacter le rendement de la culture principale. Et chaque fois qu’on mouline le sol, on casse le mycélium. Les mycorhizes ne meurent pas mais elles doivent recommencer le travail et pomper de la sève.
Une autre bonne nouvelle est que les mycorhizes peuvent aider face à la sécheresse grâce à leur mycélium recouvert d’un film d’eau. Mais avec le changement climatique, on va avoir besoin de mycorhizes adaptées. Et si on a de grands arbres, les mycorhizes du sud de la France vont arriver toutes seules. Quel est le lien de cause à effet avec l’arbre ? Les oiseaux migrateurs s’y perchent, leur guano tombe au pied de l’arbre. Il est chargé du contenu digestif des vers de terre qu’ils ont ingérés plus au Sud, qui contenaient eux-mêmes la terre qu’ils avaient avalée et qui contenait les précieuses spores de mycorhizes.
On continue les bonnes nouvelles ? Afin de maximiser la présence de mycorhizes, c’est de racines dont on a besoin. Et pas seulement celles de la culture principale ou des couverts végétaux : les « mauvaises herbes » peuvent aussi aider à multiplier les mycorhizes… Elle est pas belle la vie ?

Cet article a été publié dans le journal L’Avenir Brabant wallon du 12 mai 2025.


