Une ferme, paradis des oiseaux et de la biodiversité

Un Airbnb, à la ferme et pour les oiseaux, c’est à la ferme Henricot. Comment cet agriculteur a réussi à accueillir autant d’oiseaux alors qu’ailleurs la biodiversité décline, tout en continuant de produire et d’être économiquement efficient ? Découvrez-le dans cet article publié dans le journal L’Avenir le 25/10/2018.

Et si vous avez déjà une approche agricole, vous pouvez aller plus loin en lisant un deuxième article sur la ferme Henricot et le prix qu’elle vient de recevoir, sur le site de l’agriculture de conservation des sols.

Une ferme paradis des oiseaux

Certains agriculteurs n’ont pas attendu le constat alarmant de l’IPBES et agissent en pionnier de l’accueil des oiseaux à la ferme.

« Nous sommes en 2018 après Jésus-Christ. Toute la Belgique est occupée par l’agriculture « conventionnelle »… Toute? Non! Une ferme d’irréductibles agriculteurs résiste encore et toujours à l’envahisseur. » On pourrait se croire dans un album d’Astérix lorsque l’on met les pieds sur les terres de la famille Henricot à Corbais. 105 hectares de cultures (céréales, betteraves, colza, pommes de terre), 60 moutons, 2 hectares de maraîchage, 7.000 m² de serres. Un havre de paix pour la biodiversité, les oiseaux, la faune et la flore du sol et même les clients des serres Henricot.

Damien Henricot explique : « mon père a décidé de convertir l’ensemble de l’exploitation à l’agriculture de conservation il y a 15 ans. Le but de cette transition était d’augmenter l’efficience économique de l’exploitation tout en préservant le milieu dans lequel celle-ci s’insère. Pour cela, il a réduit le travail du sol (NDLR : fini le labour) ainsi que le recours aux produits phytosanitaires. »

Ici l’agriculture c’est juste une question de bon sens paysan. Pourquoi tuer la vie du sol à coups de produits phytosanitaires alors que c’est ce sol même qui nourrit les cultures. Des produits phytosanitaires et des engrais de synthèse sont utilisés, oui, mais dans des proportions moindres que ce qui est traditionnellement épandu. Un peu comme beaucoup d’entre nous : si notre enfant est malade, on le soigne par la médecine traditionnelle et quand vient l’hiver on lui donne des compléments vitaminés.

Damien Henricot complète : « des aménagements sont réalisés pour protéger la biodiversité présente sur la ferme et nous transmettons ce savoir à nos collègues agriculteurs ainsi qu’à nos clients et aux étudiants qui nous rendent visite. »

De hautes haies d’espèces indigènes (saules têtards, aulnes glutineux, sorbiers des oiseleurs) entourent la ferme. Les haies diminuent les nuisances visuelles, améliorent la cadre de vie et abritent une multitude d’oiseaux. Il y a douze ans, un premier nichoir à faucon crécerelle est installé. D’autres sont ensuite construits pour les chouettes hulottes, chevêches et effraies, ou pour des plus petits oiseaux comme les mésanges, les moineaux et même les hirondelles. Pas moins d’une vingtaine de nichoirs tapissent ainsi les murs des hangars et les arbres autour de la ferme.

« Nous construisons ces nichoirs nous-même grâce à des plans trouvés sur internet » explique Damien Henricot. « Pour les placer, nous sommes conseillés par deux ornithologues, qui passent sur la ferme depuis plus de dix ans pour baguer et compter les oiseaux. C’est grâce à eux que je me suis un peu initié à l’ornithologie. Les chardonnerets et les tarins vont bientôt arriver pour se nourrir des graines des aulnes glutineux et ils feront leurs nids dans les arbres autour de la ferme. J’ai pu observer un sizerin, un bruant des roseaux, un bruant jaune, des bergeronnettes. J’en vois parfois dix sur cette plaine de cinq hectares ».

Pascal Goset est collaborateur du musée des sciences naturelles de Belgique. Il vient régulièrement à la ferme Henricot pour baguer les oiseaux et les recenser. Il témoigne : « un hiver, alors qu’il y avait très peu d’oiseau partout ailleurs, Claude Henricot m’a appelé car il en avait observé beaucoup. Je me suis rendu sur place, je n’en croyais pas mes yeux, c’était l’arche de Noé ! ».

Le prix Baillet Latour

La Fondation Wallonne pour la Conservation des Habitats décerne tous les deux ans le Prix Baillet Latour pour l’Environnement. Ce prix est destiné à une réalisation d’aménagement ou de gestion écologique d’une propriété en Wallonie. Il n’est pas des moindres, il s’élève à 25 000 € ! Le prix le plus élevé en Belgique pour récompenser une réalisation privée en matière d’environnement.

Cette année c’est la ferme Henricot à Mont-st-Guibert qui a obtenu ce prix. Cette ferme familiale est gérée par Claude Henricot, son épouse Anne et son fils Damien. Cette ferme est plus connue pour ses serres horticoles et ses magnifiques chrysanthèmes, mais derrière elle se cache un véritable domaine agricole géré de manière écologique.

Damien Henricot heureux de voir les efforts de la famille récompensés témoigne : « Nous remarquons qu’il y a une diminution de la compréhension et une déconnexion des cycles naturels dans la population des zones péri-urbaines. Notre clientèle est très à l’écoute de nos conseils en matière de placements de haies, de fruitiers ou encore de nichoirs. L’éducation des habitants est importante. Nous essayons d’éveiller les consciences à la préservation de l’environnement. De petits gestes qui, répétés dans tous les jardins, dans tous les zonings (où on ne constate d’ailleurs que des gazons à perte de vue), vont faire la différence. »